S’aimer soi-même (2)

La semaine dernière, je vous ai expliqué ce qu’est l’amour de soi et pourquoi il est primordial de s’aimer soi-même pour être heureux. Aujourd’hui, je vais vous raconter comment se construit l’amour de soi – dans l’enfance d’abord, et comment évoluer quand on a pris un mauvais départ.

L’amour de soi se construit dès la naissance

Dès les premières minutes de sa vie, et probablement même dans le ventre de sa mère, le nourrisson sent s’il est accueilli avec amour et bienveillance par ses parents : par le ton de leur voix, leur façon de le toucher, de le caresser, etc. C’est un garçon et ils voulaient une fille (ou l’inverse) ? Il a les yeux de l’oncle Jean-Pierre ? Il ne comprend pas bien ce qui se passe, mais il sent si ses parents sont heureux ou déçus, et il va commencer à intérioriser le sentiment d’être valable – ou pas.

Et ça va continuer dans les jours et les semaines qui vont suivre : viennent-ils rapidement quand il pleure ou le laissent-ils pleurer longuement ? Lui font-ils des gouzi-gouzis et des bisous en changeant sa couche ? Comment lui parlent-ils ?

Et ainsi de suite tout au long de son enfance : l’enfant qui se sent accueilli, bienvenu, avec qui ses parents ont plaisir à jouer, à échanger, qui se sent aimé même quand il fait des bêtises va développer un amour de lui solide. Mais celui dont les parents sont peu disponibles, ou qui le laissent pleurer en croyant bien faire, ou qui projettent sur l’enfant leurs propres fêlures, etc., l’enfant que ses parents n’aiment pas « bien » va penser que c’est lui qui n’est pas aimable. Il ne peut pas penser que ses parents sont fragiles, maladroits, dépassés par la situation ou névrosés. Il pense que c’est lui le problème. Et cette croyance va le suivre toute sa vie.

Enfin, des accidents de la vie peuvent causer beaucoup de dégâts, même quand on a reçu beaucoup d’amour au départ. Une expérience de rejet à l’école suite à un déménagement, ou le fait d’être mis durablement de côté par ses parents parce qu’un autre enfant est malade, par exemple, peuvent faire beaucoup de mal, même quand on est déjà adolescent.

Apprendre à s’aimer

Heureusement, il est possible d’apprendre à s’aimer à l’âge adulte. Même ceux qui ont eu des parents méchants, toxiques, violents, abusifs peuvent apprendre à s’aimer. C’est souvent émotionnellement éprouvant, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle.

1- Pour commencer, il y a tout un tas de croyances limitantes à détricoter. Encore faut-il identifier que ce sont des croyances, ce qui est difficile : le principe même d’une croyance, ce qui fait sa force, c’est qu’on croit que c’est vrai ! Voici quelques croyances limitantes classiques pour vous aider à les identifier :

  • Je ne suis pas aimable.
  • S’ils savaient qui je suis vraiment, ils me rejetteraient.
  • Je dois être gentil / intelligent / performant / souriant / effacé / (autre) pour qu’on m’aime.
  • Je ne suis pas assez intelligent / intéressant / (autre).
  • Tout ce que mes parents ont fait, c’était pour mon bien.
  • Mes parents avaient raison.
  • Je dois faire passer les besoins des autres avant les miens, sinon je suis égoïste.
  • Je dois tout savoir.
  • Je n’ai pas le droit de me tromper.
  • Je dois être parfait.
  • Il est possible de ne jamais se tromper / d’être parfait.

2- Il faut également passer par une phase d’indignation et de colère vis-à-vis de ceux qui vous ont blessé, qui vous ont fait croire que vous n’étiez pas assez bien. C’est une phase qui fait souvent peur, et pour cause : la colère à exprimer, bloquée en vous depuis l’enfance, a la même intensité que le jour où vous l’avez refoulée. Si vous avez déjà vu une colère d’enfant, vous imaginez à quel point ça peut être intense… et aussi très bref !

Par ailleurs, dites-vous que les émotions que vous refoulez restent présentes en vous, et s’expriment d’une façon ou d’une autre. Je ferai un article séparé sur les émotions refoulées parce que celui-ci est déjà bien long !

3- Il faut aussi s’entraîner à voir ce qui fonctionne, ce qui est bien, s’auto-féliciter. Pour cela, il a quelques croyances limitantes à chasser de votre système, mais c’est surtout un entraînement, une sorte de gym de l’esprit. Si, pendant des années, votre cerveau a appris à se focaliser sur le négatif, vous pouvez lui apprendre à se concentrer sur le positif. Ça prend un peu de temps, mais avec un peu de patience et de discipline c’est tout à fait faisable.

4- L’amour de soi trouve sa source dans les contacts physiques, les caresses, les câlins. Aussi, multipliez les contacts, avec des gens que vous aimez, ou avec des inconnus comme dans les « Câlins gratuits » de cette vidéo. Peu importe, pourvu que vous ayez votre dose de tendresse !

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Remarquez, au passage, la différence de qualité dans les câlins montrés dans cette vidéo. C’est flagrant à la 13ème seconde : les câlins de la fille au premier sont profonds, ceux du garçon au second plan sont furtifs.

5- Enfin, pour vraiment apprendre à s’aimer, il faut être aimé et accepté par quelqu’un tel que l’on est, avec cet amour inconditionnel qu’on aurait dû recevoir quand on était petits. Si l’aide d’un thérapeute est très utile pour débusquer les croyances, apprendre à penser positif et à gérer ses émotions, elle est en général indispensable pour cette partie du travail. En effet, il est presque impossible de trouver en dehors de la thérapie quelqu’un qui va vous accueillir inconditionnellement. Les amis et les amoureux donnent un amour conditionnel. Vos parents n’ont pas su vous donner cette qualité d’amour quand vous étiez enfant, il y a peu de chances qu’ils y parviennent aujourd’hui. Les seuls à vous aimer inconditionnellement, ce sont vos enfants si vous en avez – mais ce n’est pas leur rôle de vous soutenir.

Il y a plein de choses en développement personnel qu’on peut faire par soi-même, sans l’aide d’un professionnel (ça prend beaucoup plus de temps mais c’est possible). Si vous ne vous aimez pas, en revanche, vous n’y arriverez pas seul. Faites-vous aider.

16 commentaires

  1. Excellents conseils! Je pense que pour avancer il faut être en paix avec son passé. Les parents se doivent de gérer leur temps pour accorder du temps à leurs enfants, aussi serré soit leur planning. On a souvent tendance à laisser les plus « grands » de côté quand on a un autre plus petit malheureusement.

    1. Bonjour,

      Je dirais que pour avancer il faut FAIRE la paix avec son passé. Et, oui, dans un monde idéal, les parents devraient autant que possible donner du temps, de l’attention et de l’amour à leurs enfants, jouer aux petites voitures et à la poupée. Sauf que quand on n’a pas soi-même reçu ce genre d’attention, ce n’est pas si simple. Il faut guérir de ses propres blessures d’enfant pour être capable de chérir un enfant.

      Au,plaisir de te relire 🙂
      Emilie

  2. Des conseils qui méritent d’être partagés et appliqués. On vit aujourd’hui dans une société qui vit à 100 à l’heure et souvent le temps accordé à nos enfants, notre famille en pâtit. On se rend compte bien tardivement après les conséquences d’une telle attitude!

    1. Bonjour,

      En fait il me semble que tout ce qu’on a à faire dans une journée n’est qu’une excuse pour ne pas voir la réalité en face : on n’a pas forcément envie de passer du temps avec nos enfants. Non pas parce qu’on ne les aime pas, mais parce que ça fait resurgir des émotions de notre propre enfance (pas toujours agréables). Comment prendre du plaisir à jouer aux petites voitures quand on n’a jamais partagé ça avec ses parents (et tout ce que ça implique de croyances sur le rôle des parents, de colère refoulée, etc.). Ce n’est pas qu’une question de temps ou de bonne volonté.
      Il m’est arrivé d’avoir du temps, de vouloir passer un moment avec mes enfants mais de me sentir mal/profondément ennuyée par l’activité qu’ils avaient envie de partager avec moi…

  3. Bonjour,
    Je crois que beaucoup se retrouveront au travers de ton article mais force tu as raison de dire que le manque de temps est une fausse excuse. C’est peut-être là qu’il faut aller comme on dit « de l’avant »…Ce fut en tout cas un vrai plaisir de te lire!

    1. Bonjour,

      Plutôt que d’aller de l’avant, je dirais qu’il faut comprendre le rapport coût/bénéfice de la situation. Je m’explique :
      – supporter sa situation et rester comme on est, avec son manque d’amour de soi et autres manques, c’est à la fois douloureux et confortable : douloureux parce qu’il y a un manque, et que cela engendre plein de peurs et de blocages ; confortable, parce que c’est connu, ça évite la remise en question.
      – se remettre en question, c’est coûteux à court terme : ça libère plein d’émotions désagréables, ça demande d’affronter des souvenirs qu’on préférerait oublier, de prendre conscience de choses qu’on ne veut pas voir. Mais à long terme, ça libère du poids du manque…

      C’est un peu comme quand on doit se faire opérer : on sait qu’on sera mieux à long terme, mais à court terme l’opération fait peur.

      Merci pour les compliments 🙂

      Emilie

  4. Bonjour,

    Je crois que nous sommes devenus tous conditionnés par la société où la course aux besoins matériels prime avant les besoins humains. Les conséquences sont que l’on devient solitaire et lorsque l’on est solitaire, difficile d’être démonstratif. C’est à nous de trouver LA solution et non d’attendre que tout changera un jour.

    1. Bonjour,

      C’est vrai que nous vivons dans une société éminemment matérialiste et individualiste. Pourtant, même dans les sociétés très liées, il y avait déjà beaucoup de violence (châtiments corporels, inceste) et de manque d’amour. La littérature en témoigne : les enfants de riches étaient confiés à des nounous et voyaient rarement leurs parents ; il était communément admis, chez les riches comme chez le pauvres, qu’un enfant devait être dressé – et quoi de mieux pour y arriver que quelques coups de ceinture ou de trique ? Bref, l’ancien temps n’était pas vraiment le temps de l’amour envers les enfants, et par conséquent pas celui de l’amour de soi. L’idée que l’enfant a besoin d’amour pour se développer harmonieusement et être heureux est finalement assez moderne. De même que la volonté de faire de nos enfants de futurs adultes heureux…
      Les émotions sont depuis longtemps considérées comme une chose à réprimer, particulièrement chez les hommes qui n’ont guère droit qu’à la colère.

      Je suis d’accord avec vous sur le fait que le matérialisme et l’isolement n’aident pas à être heureux ni à être en lien avec les autres.
      Et oui, mille fois oui, le changement vient de nous, pas des autres, jamais des autres !
      Bon changement 😉

  5. Je pense pour ma part que pour qu’il y ait un amour de soi à la naissance, il faudrait déjà au moins que l’un des 2 parents l’ait vécu. Impossible de partager ce que l’on a pas. Peut-être que l’entourage pourra aider mais on part tout de même sur un handicap non?

    1. C’est clair que c’est difficile de donner ce que l’on n’a pas. Un parent qui manque d’amour de soi risque de reproduire ce qu’il a connu en tant qu’enfant, ou de tomber dans l’excès inverse en couvant l’enfant et en étant trop présent, ce qui est une autre expression du même manque.
      D’ailleurs, beaucoup de gens se décident à faire une thérapie quand ils deviennent parents : alors qu’ils supportaient depuis des années leurs fêlures à l’âme, l’idée de les transmettre à leurs enfants leur est inacceptable.

  6. Je suis particulièrement touché par ces câlins. Cela m’a donner envie de recevoir et de donner en même temps des câlins et croyez moi je l’ai fait avant d’écrire ce commentaire. C’est merveilleux ce que des gestes aussi simple peuvent faire chez une personne. Pour le fait de s’aimer soi même c’est important et j’ai l’habitude de dire que le regard que les gens en général nous porte dépend en grande partie du regard que nous nous portons nous même.

    1. Tout à fait d’accord avec vous sur le fait que le regard que les gens portent sur nous dépend beaucoup de la façon dont on se voit soi-même. Encore que les autres sont souvent plus tolérants et bienveillants avec nous que nous le sommes nous-mêmes !
      J’espère que vous avez continué les câlins 😉

  7. Excellent article! C’est en le lisant que j’ai eu la confirmation que je m’aimais! Je suis passé par plusieurs épreuves difficiles et je m’en suis sorti seul, sans aucunes aides, en suivant inconsciemment les conseils que vous proposez! Merci 😉

    1. Zut, j’avais raté votre commentaire, j’ai dû mal paramétrer le suivi :/
      Ravie que cet article vous ait plu et vous ait (ré)conforté. 🙂

  8. Un grand merci pour ces petits articles et cette belle vidéo sur les câlins et la joie de partager. Je traversais un moment de blues et ces saines lectures m’ont aidée à comprendre un blocage de mon dos, lié sûrement à des reproches récurrents dans mon enfance. C’est votre article sur la colère nécessaire à exprimer qui m’a le plus ouvert les yeux. Vraiment un grand merci. Câlins.

    1. J’avais raté votre commentaire aussi… gloups !
      Merci pour ce merci, merci pour ce commentaire, et surtout, MERCI pour les câlins (ça fait drôlement du bien !) <3

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