Ils vont toujours par trois, et quand on en trouve un, ses deux comparses ne sont jamais bien loin. Et comme dans le film de Sergio Leone, ils sont tous trois pleins de contradictions et pas toujours si bon, brute ou truand que ça…
La brute
Dans la triade maléfique dont je veux vous parler aujourd’hui, la brute, c’est le Persécuteur. Procédurier, il tyrannise son entourage, contrôle tout, édicte les règles. Il est celui qui sait. A l’extrême il peut se montrer agressif et blessant. Bref c’est un affreux jojo comme on en connaît tous, même si on préfèrerait les éviter. Pas besoin d’épiloguer : c’est un méchant facilement identifiable.
Le truand
Le deuxième comparse, c’est le truand : celui qui joue le rôle du Sauveteur. Toujours prêt à enfiler sa tenue de justicier (collant bleu et slip moulant rouge, what else ?!) dès qu’il voit un Persécuteur en action, il lui arrive de faire des extras et de prendre en charge des victimes imaginaires, juste parce qu’il n’a rien de mieux à faire.
Il lui est insupportable de voir une personne qui n’agit pas comme elle le devrait, ou du moins comme il pense qu’elle devrait agir… Il pense savoir mieux que les autres ce qui est bon pour eux, et n’hésite pas à les prendre en charge même si elles n’ont rien demandé. Ses expressions préférées sont « tu devrais », « moi à ta place » et « c’est pour ton bien ». Pourquoi je l’assimile au truand, me direz-vous (peut-être) ? Parce que sous ses airs de bon samaritain, il n’a de cesse de déposséder ceux qu’il prend en charge de leurs responsabilité, et par là même de leur pouvoir. C’est malgré tout un rôle qui est très valorisé dans notre société, qui ne sait pas bien distinguer l’aide positive de l’infantilisation.
Le bon
Et le bon alors, dans tout ça, c’est qui ? La Victime, bien sûr ! Celui qui est persécuté par la brute et sauvé par le truand. Sauf que si vous vous souvenez un peu du film, le bon n’était pas si bon que ça. Et bien, là, c’est pareil : l’innocente victime est pour partie responsable de ce qui lui arrive.
Je sais que par habitude que c’est une notion qui dérange, et que vous vous dites peut-être « Mais c’est la victime, elle n’a rien fait de mal, on ne peut quand même pas dire qu’elle est responsable ! » Je vais donc développer ce point.
Et pour adoucir un peu ce qui va suivre, je vous dirai que je connais bien le rôle de la victime pour l’avoir beaucoup joué pendant 30 ans.C’est donc avec bienveillance et tendresse que je vais écrire les lignes qui suivent, même si mon style est comme toujours très direct.
A minima, la victime est responsable d’autoriser certains à mal se comporter vis-à-vis d’elle. Vous avez probablement pu l’observer : il y a des gens (les victimes) qui vont plus facilement se laisser enquiquiner que d’autres, et qui attirent comme des aimants les chefs qui gueulent, le collègue qui fait des blagues racistes (ou sexistes) à leurs dépens, et le conjoint infidèle (les persécuteurs). A l’inverse, vous connaissez probablement des gens qui forcent le respect, avec qui ce genre de comportement n’est pas possible. C’est donc bien le comportement de la victime, son incapacité à poser des limites et à se faire respecter qui permet les comportements négatifs à son égard.
A un stade plus avancé de victimite, la victime va même provoquer (inconsciemment, bien sûr) des comportements sauveteur ou persécuteur à son égard. Même si vous n’êtes pas foncièrement sauveteur ou persécuteur, vous avez forcément croisé des gens que vous avez eu envie de secouer ou de prendre sous votre aile tellement ils vous semblaient fragiles, incapables de se gérer, de se défendre. Des gens qui abandonnent aux autres toute responsabilité concernant leur vie, leurs choix, leur devenir. Ceux-là, ce sont des serial-victimes, limite christiques, à qui on a envie de dire « Descends de ta croix, on a besoin du bois. ».
Changements de rôles
Même s’il n’est pas très développé, on a en général un rôle qu’on affectionne plus que les autres et qu’on joue plus souvent. Pour ma part, je faisais la victime comme Nathalie Dessay joue La Reine de la Nuit : je clamais qu’on ne m’y reprendrait plus, mais j’y revenais quand même.
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Néanmoins, en général les rôles tournent et la victime de vient persécuteur, le sauveteur devient victime, etc.
Prenons un exemple pour que ce soit plus parlant.
Imaginons une mère et ses deux filles. L’une des deux filles est fâchée avec sa mère depuis plusieurs années et refuse de lui parler. Ça fait une première inversion de rôles : la fille, autrefois victime de sa mère, s’est rebellée et est devenue son persécuteur (elle lui fait du mal en refusant de lui parler). La mère appelle sa fille tous les ans pour son anniversaire, bien que celle-ci refuse de lui répondre. Cela la laisse invariablement brisée et triste (elle est pleinement dans son rôle de victime, là).
La deuxième fille, en bonne sauveteuse, appelle systématiquement sa mère le même jour pour lui remonter le moral. Il n’y a rien de mal à ça, sauf qu’elle continue bien que sa mère ne lui ait rien demandé (elle est dans le rôle du sauveteur : ma mère a besoin de moi pour traverser cette épreuve) et que ça se passe mal à chaque fois : sa mère est désagréable avec elle. Du coup elle se sent victime (« comment, je fais ça pour l’aider et c’est comme ça qu’elle me remercie, c’est vraiment une ingrate ! »). Pour tout vous dire, elle est même un peu tentée de « persécuter » sa mère à son tour…
Et elles vécurent malheureuses et eurent beaucoup de disputes… THE END !
Dans un prochain article, nous verrons comment sortir de cette triade, qui porte le doux nom de Triangle de Karpman.
En attendant, observez-vous agir, et repérez votre rôle favori.
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